11 mai 2017

RENDEZ-LES-NOUS VIVANTS !

Vers 21 heures, le 26 septembre 2014, des centaines d’agents de police et un certain nombre de civils armés ont attaqué cinq bus d’étudiants de l’école  rurale normale Raul Isidro Burgos d’Ayotzinapa, un autre transportant une équipe de foot, à Iguala, dans l’État du Guerrero, au Mexique. Bilan : 6 morts, 40 blessés et 43 étudiants disparus.
Consciencieusement, John Gibler, journaliste américain indépendant vivant au Mexique depuis plus de dix ans, a interrogé l’ensemble des témoins de ces événements pour découvrir une toute autre version que la vérité officielle. Ainsi, il démontre la collusion des forces d’État et du crime organisé pour bâtir une impunité administrative juridique. Inspiré par le principe zapatiste « diriger en obéissant » (mandar obedeciendo), il cherche à « écrire en écoutant » (escribir escuchando).


Revenant chronologiquement sur le déroulement de cette journée et de celles qui ont suivi, il nous livre, brutes, des bribes de récits qui forment une polyphonie de points de vue, comme si plusieurs caméras avaient filmé chaque scène depuis différents angles. Seule le prologue et la postface précisent le contexte, notamment l’étendu de la mobilisation internationale et la complicité française dans la formation des forces de répression.

La parole des étudiants permet de comprendre d’où ils viennent et ce qu’ils sont venus apprendre dans cette école avec son programme d’émancipation culturelle et sociale. Heures par heures, leurs descriptions des attaques qu’ils ont vécues, contredisent les versions successives du gouvernement. Les récits des joueurs et des entraineurs de foot qui ont survécu, sont accablants, tout comme ceux des employés de la décharge de Cocula où des « narcos » auraient incinéré les 43 corps, selon les conclusions de l’enquête. Enfin, les parents des disparus font part de leur colère, de leurs espoirs et de leur détermination à exiger justice et vérité.

Cette tragédie a été l’occasion de mobiliser partout dans le monde et de dénoncer la politique répressive du gouvernement mexicain, responsable de la disparition de dizaine de milliers de personnes. Ce livre, en donnant la parole aux rescapés avec beaucoup de pudeur et d'intelligence, permet de porter un peu plus loin leurs voix, de rompre le silence et l’isolement.



RENDEZ-LES-NOUS VIVANTS !
Histoire orale des attaques contre les étudiants d’Ayotzinapa
John Gibler
Traduit de l’espagnol par Anna Touati
210 pages – 18 euros
Éditions CMDE - Collection « Les réviseurs de la nuit » – Toulouse – avril 2017
http://editionscmde.org/

 

Du même auteur : 

L’ÉVASION D’UN GUÉRILLERO - Écrire la violence

 

 

 

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